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« L’Europe est incapable de se protéger face à la Chine »
2018-09-10 22:29:26


来源 : Le Monde

La guerre commerciale avec les Etats-Unis a-t-elle un impact économique sur la Chine ?

Pour le moment non, car les premières sanctions annoncées en juillet et en août portaient surtout sur des produits chinois de haute technologie que les Etats-Unis n’importent pas de Chine. Mais il en va autrement avec le deuxième train de mesures qui pourrait entrer en vigueur incessamment sous peu. Celui-ci porte sur 200 milliards de dollars (173 milliards d’euros), soit quatre fois plus que les premières mesures et Donald Trump a même menacé de taxer toutes les importations en provenance de Chine.

Ce deuxième paquet concerne des produits à relativement faible valeur ajoutée et des secteurs pour lesquels les Etats-Unis dépendent de la Chine. Washington veut favoriser d’autres fournisseurs qu’ils contrôleraient davantage, notamment le Mexique et le Vietnam. C’est dans cette optique que les Etats-Unis viennent de signer un nouvel accord de libre-échange avec le Mexique. Dans cette stratégie de contournement de la Chine, le Mexique joue évidemment un rôle plus important que le Canada.

Quant au Vietnam, ses exportations ont, comme par hasard, bondi en juillet. Mais il reste à vérifier si ce ne sont pas des produits chinois qui ne font que transiter par le pays, car il est plus facile pour les Etats-Unis de contrôler l’origine des produits importés du Mexique que du Vietnam. Contrairement à ce que certains affirment, l’administration américaine fait donc preuve, sur ce dossier, d’une vraie stratégie.

Que peut faire la Chine ?

Montrer au reste du monde que la guerre commerciale ne constitue pas un risque pour elle car elle a d’autres clients, notamment l’Union européenne. D’où l’offensive de charme que la Chine tente de mener en Europe. Alors que les dirigeants de l’Union européenne et les Chinois se sont vus mi-juillet, deux hauts responsables chinois viennent à Bruxelles mi-septembre rencontrer Jean-Claude Juncker et Donald Tusk, les présidents de la Commission et du Conseil européen. Et comme par hasard, le chimiste allemand BASF vient d’obtenir une licence en Chine qu’il n’espérait même plus.

La crise serait donc une chance pour l’Europe ?

Oui, à condition que l’Union européenne sache ne rien faire. D’habitude, on la critique pour sa passivité. En l’occurrence, il ne faut surtout pas qu’elle bouge et se mette à suivre soit la Chine, soit les Etats-Unis. Actuellement, l’Union européenne exporte 2,5 % de son produit intérieur brut vers les Etats-Unis et le tiers de ce pourcentage vers la Chine. Les Européens doivent dire aux Chinois : vous souhaitez que nous rééquilibrions nos économies et que nous nous tournions davantage vers vous ? Très bien : ouvrez-nous davantage votre marché pour que nous puissions commencer à y réfléchir.

Les Chinois sont sans doute prêts à faire des concessions. Ils réfléchissent aux secteurs dont l’ouverture profiterait davantage aux Européens qu’aux Américains. On pense évidemment à l’automobile, une industrie chère à l’Allemagne. Mais l’Europe doit cesser de se bercer d’illusions.

Contrairement au Japon et à la Corée qui ont abandonné certains pans de leurs économies au profit de la Chine, l’Europe continue de ne pas choisir. Elle n’a pas compris qu’elle est petite face à la Chine. Même l’Allemagne ne fait pas le poids. Non seulement l’Union européenne disperse ses efforts mais elle investit trop peu dans la recherche et le développement : à peine 1 % de son produit intérieur brut quand la Corée du Sud lui consacre 4 %, le Japon 2 % et la Chine également 2 %.

L’Europe doit-elle se protéger face à la Chine ?

En 2017, 80 % des acquisitions chinoises en Europe concernent des entreprises de haute technologie. Aux Etats-Unis : 0 % car les autorités américaines bloquent les diverses tentatives. Résultat : c’est tragique mais l’Europe est en train de céder à la Chine les technologies qui permettront à cette dernière de mener à bien son programme « made in China 2025 » destiné à devenir le leader mondial dans dix secteurs-clés. L’Union européenne parle de se protéger mais est incapable de créer un organisme aussi puissant que le redouté CFIUS américain pour contrôler les investissements étrangers.

L’endettement chinois pose-t-il problème ?

Il ne pose pas de problème de stabilité financière car ce sont les ménages chinois qui détiennent la dette du pays. Non seulement les familles chinoises ne disposent pas des informations qui pourraient les inquiéter mais elles sont captives. De plus, officiellement, la dette publique chinoise ne dépasse pas 50 % du PIB du pays, soit nettement moins qu’en Europe et aux Etats-Unis où elle est d’environ 80 % du PIB. Sauf que, contrairement aux Européens, les Chinois refusent d’intégrer dans leur dette publique celle de leurs entreprises publiques sous prétexte que celles-ci ont une partie de leur capital placé en Bourse. Quand on les intègre, la dette totale chinoise bondit à 260 % du PIB. C’est beaucoup, mais pas impossible à gérer pour le moment.

La Chine pourrait-elle dévaluer le yuan ?

C’est politiquement délicat car ce serait reconnaître un signe de faiblesse. Quand la Chine l’a fait en 2015, la fuite des capitaux a été massive. Le pouvoir a retenu la leçon.